dimanche 13 mai 2012

J'haïs la vie – Prologue


            Je suis dans le bureau de ma psy. Ce n'est pas vraiment une psy en fait, c'est une travailleuse sociale du clsc pas loin de chez moi. Elle m'observe avec son regard infantilisant qu'elle a tout le temps. Elle me rappelle toutes les profs que j'ai eues au primaire, elles me regardaient de la même façon. Comment puis-je lui confier mes problèmes? Elle n'a pas une once de ma sagesse, m'auto-analyser serait sans aucun doute plus efficace.
            Quand je suis rentré dans son bureau, j'espérais naïvement qu'elle règlerait tous mes problèmes d'un coup. C'est comme la fois où je suis allé chez l'orienteur au cégep. J'étais rentré là en disant :
             –  Bon qu'est-ce que je dois faire dans la vie?
            L'orienteur m'avait répondu :
             –  Bin… je l'sais pas moi…
            Et m'avait demandé ce que j'aimais comme matière.
             –  Euh… l'anthropologie c'est cool…
             –  Parfait. Fais ça!
            Grosse erreur.
            Bref, j'avais la même candeur en allant rencontrer ma psy pour la première fois. J'imaginais rencontrer un être empli de sagesse qui allait me saisir tout entier au premier regard. Une simple osculation visuelle de quelques secondes lui aurait permis de lire dans les profondeurs abyssales de mon esprit et de savoir exactement ce que je devrais faire pour être heureux. Eh non. Au lieu de ça, me voilà dans ce local du clsc avec une fille à peine plus vieille que moi qui me pose des questions insignifiantes, me sort des platitudes à deux sous et me regarde avec son visage de monitrice de camp de jour.
             –  Qu'ess tu fais dans vie? m'avait-elle demandé en premier.
            Bien sûr, ce qu'elle voulait connaître c'était ma source de rémunération. Car on prend pour acquis que je ne fais rien de significatif dans ma vie autre que ma job, et que la connaître suffira pour me jauger et savoir entièrement tout ce qu'il y a à savoir sur moi.
             –  Je suis à la réception des marchandises dans un magasin à rayons.
             –  Ah intéressant. Qu'ess tu fais exactement?
             –  À longueur de journée j'entre dans l'ordinateur les codes-barres des produits que les livreurs m'apportent.
             –  T'aimes ça?
             –  Oh oui, dis-je sarcastiquement. C'est ma passion de taper des codes-barres dans un ordinateur. En fait, ça a toujours été mon but dans la vie. C'est comme... un rêve d'enfance que je réalise enfin.
             –  Inutile d'être aussi cynique! Depuis combien de temps tu fais ça?
             –  Un peu moins d'un an. C'est mon record en fait, j'ai jamais gardé une job aussi longtemps.
             –  Qu'ess t'as fait avant?
             –  Voyons voir… J'ai travaillé dans deux épiceries, trois dépanneurs, un fast-food, deux clubs vidéo, une pépinière et un centre de téléphonie.
             –  T'as eu dix jobs!?
             –  Si on compte le fait que j'étais surveillant du local d'informatique à mon école secondaire et avec ma job actuelle, ça fait douze jobs.
             –  Et tu as quel âge? Si c'est pas trop indiscret…
             –  Je vais avoir 25 ans en juin.
             –  Le quart de siècle!
             On dirait quand quand tu dis « 25 ans », y a toujours quelqu'un pas loin qui est conditionné pour dire « le quart de siècle! » 
             –  T'as-tu une formation?
             –  J'ai un bacc en anthropologie.
             –  En anthropologie? Avec les cadavres-là?
             –  Ça c'est la thanatologie…
             –  Ah, oups! Debors, c'est quoi l'anthropologie? Qu'ess ça mange en hiver ça, un anthropologue?
             –  Pas grand chose… en fait les anthropologues crèvent de faim à l'année longue!
             –  Et qu'est-ce qui t'amène ici aujourd'hui exactement?
             –  Je suis malheureux dans la vie et on m'a fait comprendre que ce n'était pas normal.
             –  Non en effet… Et qu'est-ce qui te rends malheureux?
             –  Je ne sais pas.
             –  Bon, euh, si tu me parlais un peu plus de toi je pourrais peut-être cerner la source de ton malheur.
            C'est donc ce que je fis. Mais avec elle ce ne fut pas un grand succès. Essayons à nouveau.

1 commentaire:

  1. Ici j'ai adopté un mode d'écriture différend. C'est beaucoup plus «émotif» qu'à mon habitude. Je voulais juste étaler ma colère et mon cynisme au travers d'un personnage qui serait un peu mon alter ego mais en pire. Je n'ai pas vraiment travaillée cette histoire. Dans mon ordinateur, je n'ai que des fragments plutôt thématiques, et ça ne forme donc pas une histoire qui progresse. J'hésite encore à les mettre en ligne comme ça ou à essayer de les coudre ensemble pour former un récit.

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